Interview Christophe Lorreyte, Fondateur de l’académie de méditation
Bonjour à tous, j’ai aujourd’hui le plaisir dans cette interview d’accueillir Christophe Lorreyte.
Christophe est le fondateur de l’Académie Tangram de méditation. Il accompagne tous les jours des méditants dans leur pratique et il forme des enseignants de méditation pour qu’à leur tour ils puissent transmettre l’esprit véritable de la méditation des origines. Il est également médecin en Médecine Traditionnelle Chinoise, conférencier et écrivain.
Si vous souhaitez avoir une approche véritable de la méditation, il a notamment écrit un livre « Apprenez enfin à méditer avec la pratique tangram » aux éditions Alisio, que vous pouvez trouver à la Fnac, sur Amazon ou le commander dans votre librairie habituelle.
1. Commençons cette interview par une petite introduction :
Eh bien bonjour à vous tous et merci à toi Genka de m’inviter dans cette interview pour partager un moment avec toi et avec les lecteurs de ton blog. C’est toujours un plaisir pour moi d’échanger sur la pratique et sur ce qu’elle apporte concrètement dans la vie des gens.
2. Pour ma première question, je te demanderais « Qui es-tu ? » Pour cette question, je me suis inspirée d’une de tes récentes vidéos où tu réponds à la question « Qui suis-je ? » Peux-tu te présenter de la même manière ?
Répondre à la question « Qui suis-je ? » est un exercice difficile car « le qui suis-je » d’hier est déjà différent du « qui suis-je » d’aujourd’hui.
Ce que l’on est est impermanent. A chaque instant nous évoluons, nous nous enrichissons de nouvelles expériences et informations. Nous sommes chaque moment en quelque sorte une nouvelle personne qui, en fonction de son environnement du moment, va montrer l’une des multiples facettes de sa personnalité.
Mais c’est difficile également car nous sommes complexes et nous ne pouvons offrir de nous-même que ce que l’autre peut percevoir.
Nous ne sommes pas du tout la même personne pour un étranger qui nous découvre que pour un ami intime qui a vécu avec nous au quotidien. Nous sommes perçus différemment même au sein d’une même intervention. C’est pour cela que je préfère te parler de « qui nous sommes ». Car dans le « qui nous sommes » il y a davantage d’informations pertinentes. On sort de l’ego, on sort de son histoire, de sa perception, de sa persona, on est au-delà des masques, au-delà des conventions, au-delà de ce qui est attendu par les autres. On est plus authentique, plus ouvert. On accepte d’être multiples et de ne pas donner une image conventionnelle attendue. On accepte la vie sous ses formes multiples. Qui nous sommes, c’est l’abandon de ta première question « qui je suis » et de la présentation que tu as fait de moi au début de cet interview. Car on est tous bien plus qu’une présentation de ce que l’on a accompli.
Alors pour répondre à cette question « qui nous sommes ? » Je te dirais simplement que nous sommes l’ego, c’est-à-dire toute notre histoire, tout ce qui nous compose, le « qui je suis » de ta question avec en plus la non-séparation avec les autres que l’on révèle en méditant.
3. Dans mon cheminement vers le bonheur, j’ai découvert en moi une jeunesse que j’avais longtemps cachée. Un enfant qui dormait en moi depuis longtemps a pu commencer à s’exprimer grâce aux enfants qui l’entouraient et grâce à l’écriture. La méditation aide-t-elle davantage à cet égard et comment ? (Entre autres choses, vous parlez également de ce thème de la jeunesse.)
La méditation, ou plutôt sa pratique, est un véritable révélateur. La pratique méditative permet une compréhension profonde de soi, de ce qui nous constitue. Elle permet -même si revisiter son passé n’est pas le but- de l’accepter et ensuite de mieux vivre avec. On comprend rapidement en méditant que les blessures anciennes ne survivent pas au présent. Si tu vis le présent, il n’y a plus de problème avec le passé. Le passé, l’enfant qui est en toi vit à travers tes actions dans le présent et s’actualise, progresse, avance vers l’avenir.
Mais comme tu parles de cheminement de bonheur au début de ta question, j’aimerais compléter en te disant que le bonheur ouvre sa porte au moment où justement tu ne te soucies plus de toi, de ton passé, de l’enfant que tu as été. Lorsque tu comprends que les autres et toi n’ont plus de séparation. C’est dans la non-séparation et le détachement de soi que se trouve la clef du bonheur.
Tu vois, comme je te le mentionnais dans ta première question, pour demeurer heureux il faut être dans le « qui sommes-nous » de tout à l’heure et oublier davantage le « qui suis-je » ? Comme je le dis souvent à mes élèves lorsqu’ils se plaignent : « si tu veux être heureux, arrête de penser à toi et tu verras ça ira beaucoup mieux ». Oui ! On porte trop d’intérêt à sa petite personne. Mourir à soi-même, c’est commencer à vivre…
4. Tu dis dans un de tes récents posts que rien n’est figé, tout est possible. Sur mon blog, je parle beaucoup du changement et de la façon dont un changement positif peut toujours se produire. Comment la méditation aide-t-elle à cet égard ?
L’impermanence est une loi physique incontournable, tout évolue, tout se transforme, tout change chaque instant, c’est ce qui constitue la vie et qui lui donne d’ailleurs autant d’importance à nos yeux.
Le problème, c’est que la plupart des comportements humains sont à l’inverse de cette loi cosmique.
L’ego a besoin de se rassurer et, pour cela, il a besoin de maitriser, voire de contrôler son univers.
Alors imagine bien que cette loi d’impermanence est plutôt, pour lui, un sérieux handicap.
Le plus souvent, l’ego agit et construit sa vie en niant cette évidence. Il s’attache, c’est plus fort que lui, il veut exister à tout prix et va tout faire pour tenter de conserver en état ce qu’il construit, comme si la mort n’allait jamais être au rendez-vous.
L’antidote à cet ego qui construit la vie sur des illusions, c’est la pratique méditative car celle-ci permet de prendre conscience de l’absurdité du combat perdu d’avance que mène l’ego par rapport à cette loi incontournable qu’est l’impermanence.
Lorsque l’on accepte l’impermanence, l’éphémère, on peut jouir alors pleinement de ce qui se présente dans le présent.
On ne craint plus les changements mais, au contraire, on les accepte comme l’occasion de vivre de nouvelles expériences.
Avec la pratique méditative, on boit à la source toujours fraîche du présent.
5. Tu aimes voyager ? As-tu un endroit préféré ? Comment cela t(aide-t-il à atteindre ton bonheur ?
Oui, j’aime voyager mais le voyage n’est en aucun cas une source de bonheur. En voyageant, j’ai le plaisir de rencontrer de nouvelles personnes, de nouvelles cultures, de visiter de merveilleux endroits. Ça m’apporte de la joie, du plaisir, ça m’enrichit sur de nombreux points mais le bonheur c’est autre chose que ça.t
Le bonheur est un état qui ne dépend pas d’un contexte, au mieux il peut le favoriser et encore…
Le bonheur c’est une façon de se vivre à l’intérieur lorsque l’on a saisi la véritable nature.
L’incarnation et tout ce qu’elle comporte d’illusions est source de plaisir, de joie, mais ce n’est pas cela le bonheur.
Le bonheur, c’est un état intérieur, qui est au-delà des apparences, au-delà du mental et des réflexions. C’est un état de plénitude, un état de grâce. Un état de non-séparation au-delà de l’ego qui nous rend disponible à toute chose. Le bonheur, c’est un élan d’amour universel.
On peut ressentir ce bonheur en tenant la main de sa compagne lors d’une soirée banale, comme à l’intérieur d’une cellule de prison si on est en osmose avec ce qui nous entoure.
Mais la voie royale pour l’épanouissement du bonheur, c’est l’assise en méditation.
C’est elle qui favorise cette compréhension profonde, intuitive, au-delà de tout contexte et de tout mental qu’on va emmener ensuite dans nos voyages pour les apprécier pleinement.
6. Comment entretiens-tu ta méditation quotidienne pendant ces voyages ? Peux-tu l’intégrer ?
Tout simplement en ayant fait le choix de méditer quotidiennement où que je sois. C’est une habitude et non un ego qui dicte mes assises méditatives. C’est pour cela qu’il n’y a aucune question à se poser. Je dors, je mange, je marche, je pense, je médite. C’est assez simple en fait quand on y réfléchit.
7. Tu es également écrivain, as-tu essayé d’écrire de la poésie ? Dans ton livre ‘Apprenez enfin à méditer avec la pratique Tangram’, il y a beaucoup de haïku que tu as utilisés pour commencer tes chapitres. (Ce que j’ai beaucoup aimé ! ). Par conséquent, tu écris un haïku. As-tu essayé des poèmes ? Qu’est-ce que l’écriture t’apporte ? Penses-tu qu’écrire est un processus méditatif ?
Merci infiniment, mon ego en cet instant présent s’en voit flatté. J En fait le Haïku permet par son style court de saisir immédiatement la nature profonde de ce que l’on décrit. J’aime beaucoup cet exercice d’écriture qui est complémentaire à la pratique méditative. En 3 lignes, il est possible, lorsque le lecteur est prêt, de susciter l’éveil.
Oui, pour répondre à ta question sur mes essais poétiques, j’ai écrit quelques poèmes de style plus occidentaux, bien avant l’écriture des Haïkus. Je prends beaucoup de plaisir à l’écriture en général, j’ai toujours aimé écrire. J’aime les mots, j’aime la communication sous toutes ses formes. J’aime tout ce qui touche à l’humain et qui lui donne les moyens de s’affranchir de lui-même pour le faire grandir.
L’art sous toutes ses formes est une expression de la vie. J’aime ce qui est du domaine de l’inutile car je le trouve au contraire très utile, surtout lorsqu’on l’exerce avec plaisir. J’ai toujours aimé lire les autres, en écrivant à mon tour, je tente de renvoyer l’ascenseur. J’espère apporter à mes lecteurs autant de plaisir que j’en ai à lire d’autres écrivains.
8. Écrire un haïku est certainement l’expression d’une âme poétique. Aimes-tu lire des poèmes ? Et si oui, quel type de poèmes ?
La poésie est à mon avis l’approche la plus précise en écriture pour exprimer et faire ressentir des sentiments, à part peut-être des génies de l’écriture comme Shakespeare, Céline ou encore plus récemment Baricco, et bien d’autres. J’aime les classiques Français comme Baudelaire, Victor Hugo, Rimbaud, Prévert mais j’aime tout autant les poèmes d’auteurs asiatiques. Je ne choisis pas mon camp en littérature. Je suis ouvert à l’expérience et je suis assez bon public car je prends plaisir assez facilement. Il y a toujours quelque chose à prendre même dans les romans de gare.
9. Dans quel domaine as-tu étudié (brièvement) ? Pourquoi as-tu choisi le chemin de la méditation ? T’es-tu senti fatigué ou as-tu ressenti le besoin de commencer enfin à vivre ta vie ?
J’ai étudié les finances, la peinture, la psychologie, la psychanalyse, le développement personnel, la médecine traditionnelle chinoise, le cinéma, la musique, la littérature, les arts martiaux, la musculation, l’ésotérisme, la cuisine, la parentalité et les rapports humains sous toutes leurs formes, et bien sûr la pratique méditative.
Je ne me suis jamais senti fatigué et je n’ai jamais eu le sentiment que ce que je faisais à un moment de ma vie n’était pas ma vie et que ma vraie vie se situait ailleurs. Je suis simplement curieux et lorsque j’ai envie d’explorer une autre discipline, je ne me fixe aucune limite, aucune contrainte, j’y vais et je me construis les moyens pour faire le voyage dans cette nouvelle expérimentation de mon incarnation. En fait, c’est assez simple, j’essaye d’être le plus libre possible.
10. Envisages-tu de continuer à écrire ? Si oui, pourquoi ?
Oui, à l’instant présent. J’ai encore des choses à exprimer, mais peut-être que je choisirai un autre média 😉
11. Quels sont tes 5 mots préftérés qui te rappellent le bonheur ?
Patience, ouverture, disponibilité, vacuité, compassion
12. Un sujet très épineux concernant les biens matériels sur mon blog que je souhaite aborder aussi dans cette interview, à travers la méditation. Puisque mon bonheur a vraiment augmenté relativement lorsque j’ai cessé de dépendre d’eux et que j’ai prêté plus d’attention aux choses importantes : les expériences de qualité, la famille, l’écriture, les livres, les relations. La méditation nous aide-t-elle à ne pas dépendre des biens matériels, mais à valoriser davantage les expériences et l’immatériel ?
La méditation se moque du matériel ou de l’immatériel, elle est au-delà de ces considérations. La question de l’avoir n’est pas un problème, comme tu le dis très justement, c’est la dépendance, l’attachement au matériel qui est une cause de souffrance mais, pas comme on le croit trop souvent, la jouissance des biens.
Comme je le précisais tout à l’heure, tout est illusion. Il suffit d’en prendre conscience véritablement par l’exercice du corps, par la pratique méditative pour ne plus s’attacher et ne plus d’ailleurs se poser la question d’avoir ou pas. On peut avoir et être, être sans avoir et ne rien avoir et ne rien être. Toutes les combinaisons sont possibles. Je tente pour ma part de vivre le mieux possible, c’est-à-direde ne pas m’attacher à ce que je possède et d’en jouir au maximum tant que c’est disponible.
13. Et pour terminer mon interview, je te demanderai : Trouves-tu un lien entre le bonheur et la méditation ? Et la méditation est-elle importante pour être heureux ?
Si le bonheur est une sensation que l’on éprouve en pratiquant quotidiennement la méditation, elle n’est pas pour autant sa finalité. Le bonheur est aujourd’hui pour beaucoup de gens l’objectif absolu qu’il faut absolument atteindre. Mais la vie est bien autre chose que cette dictature du bonheur, que d’ailleurs beaucoup confondent avec le plaisir.
Je dirais que méditer c’est aller au-delà de toutes ces considérations, aller au-delà de ce sentiment extatique qui lui aussi est illusion.
Toutefois, il est certain qu’on est bien plus heureux dans sa vie lorsqu’on médite car méditer permet de se détacher, notamment de ce qui est source de souffrance. Lorsqu’on médite nous ne sommes plus au centre de nos relations humaines. Nous sommes en partage dans les deux sens. Nous relativisons davantage et sommes normalement plus ouverts à la différence.
Méditer nous apporte davantage de paix et nous permet de ne pas nous sentir toujours concerné dans les conflits. Nous vivons plus sereins ce qui se présente à nous. Toutes ces prises de conscience et comportements qui en découlent contribuent grandement à nous sentir en paix. La méditation apporte sans équivoque davantage de bonheur mais, je le répète encore un fois, ce n’est pas la finalité de la pratique méditative.
FIN de l’interview
Merci à Christophe Lorreyte d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la méditation voici un lien vers le blog de Christophe Lorreyte : https://christophe-lorreyte.fr/
Voici un haïku que je lui ai dédié pour le remercier. 🙂 :
Meditant sur tes paroles
m’encouragement à suivre cette voie.
Sincères remerciements!
Vous pouvez voir mes deux autres interviews ici :
Interview de Jean-MARC PERCIER, Auteur-Poète
et
Interview de P.Y.Xyn, auteur-poète
Merci de m’avoir lu jusqu’au bout et à bientôt !
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Commentaires
Bravo pour cette belle interview 🙂 Je l’avais rencontré durant l’évènement d’Olivier Roland et je l’avais trouvé très abordable. Il m’avait aussi beaucoup conseillé. Tu as eu une belle opportunité. Encore bravo à toi 🙂
Merci beaucoup! J’ai été extrêmement agréablement surprise et heureuse lorsque j’ai reçu une réponse positive de sa part. De plus, ses réponses à ses questions me sont extrêmement précieuses. Merci à toi d’avoir pris le temps de lire l’article.
Super interview, merci ! Quelle joie d’entendre quelqu’un dire que le bonheur n’est pas une finalité et que l’union à Tout est bien plus que notre existence humaine.
Merci d’avoir lu l’interview et je suis heureuse que tu l’as apprécié. Des réponses précieuses pour moi aussi !
Merci de nous offrir ce cheminement vers le bonheur avec une interview de Christophe. « Un enfant qui dormait en moi depuis longtemps a pu commencer à s’exprimer… », c’est tellement beau et bien écrit. AnimaSoins au naturel, Fabienne
Merci pour ton retour sur mon article !
Très belle interview qui donne du sens à la méditation. Je reste persuadée que la méditation peut nous aider à changer de vie. Merci pour ton article.
Merci d’avoir pris le temps de le lire. Je suis heureuse que tu as apprécié l’interview !
Je vous remercie pour cet article captivant ; il suscite véritablement l’envie d’approfondir la découverte de soi par la méditation. Félicitations également pour avoir eu l’opportunité d’interviewer Christophe Lorreyte. Son parcours inspire profondément et apporte une grande valeur à travers son expérience.